Au fondement de l’œuvre de Brian Evenson, il y a une fracture : celle d’un prêtre mormon qui rompt avec sa communauté. Dans ses nouvelles (« La langue d’Altmann », « Contagion », « Windeye ») et ses romans (La Confrérie des mutilés, Inversion, Immobilité), se rejoue ainsi son rejet du mormonisme, dessinant les contours d’un gothique postmoderniste.
L’univers de cet auteur américain contemporain est cruel et troublant, nous menant au cœur d’un territoire de l’étrange où la violence le dispute à l’absurde pour créer ce que l’on pourrait nommer une « esthétique du malaise ». En mettant en déroute nos horizons d’attente, le texte d’Evenson met en crise le partage entre réel et fiction, et nous confronte à l’angoisse de la perte du sens.
Ces textes qui défaillent sont le lieu de dissonances, signes de l’inintelligibilité d’un monde qui a perdu sa cohérence fragile. Ils nous invitent au cœur d’un désert moral dans lequel rougeoie l’effroi du sacré. Dans leur violence figurale, ces textes inaugurent une nouvelle relation à la langue et au sensible en conditionnant une réception particulièrement affective du lecteur en proie à l’effondrement de ses repères moraux, herméneutiques et existentiels.
Table des abréviations
Note éditoriale
Introduction
Première partie - Les sombres prophètes de Brian Evenson
I - Approcher le mormonisme : malaise dans la culture
Une religion purement américaine
- Joseph Smith et les pierres de la révélation
- Les Nouveaux Évangiles : l’Amérique comme coeur sacré du religieux
Entre hétérodoxie et hérésie, une américanité problématique
- Radiographie du mormonisme aux xxe et xxie siècles
- La littérature antimormone du xixe siècle
II - « Les prophètes désaxés »
Poétique de la littéralisation
- Une sacralité problématique
- Ce que la Bible fait au corps : risques d’une écriture au premier degré
- Prophètes et frères : trivialiser la communauté religieuse
Églises morbides et sectes fanatiques : l’envers du religieux
- Père des mensonges : l’Église comme matrice de destruction
Voyage au pays des post-mormons
Deuxième partie - Dissonances, discordances, défaillances
III - Eaux troubles – quel milieu littéraire ?
Champ d’une hybridation générique
- Un gothique postmoderniste ?
- Le roman de détection métaphysique : mort d’une épistémè
- Paysages de la Frontière
Le « terrorisme epistémologique » : failles et faillites du sens
- « Jeux de faire-semblant »
- Seuils malades : la fiction proliférante
- Béances textuelles
- Apocalypse et « logique collapsive »
IV - Mondes lacunaires
Figures de la perte : les corps fous
- Corps défectueux et fissuration du réel
- Identités dissonantes
Le règne de l’absurde
- Procès fantoche et théâtre en carton-pâte
- Le savant fou
« Les folies raisonnantes » : la tentation métaphysique
Troisième partie : Travailler le corps
V - L’inintelligibilité du geste cruel
Auschwitz en creux
- La foire aux monstres : convoquer le criminel nazi
- Figures du camp
Généalogie du geste cruel
- Au commencement était le geste cruel
- Immanence de la cruauté : une perspective anhistorique
VI - Corps désastrés
Le regard obscène
- Corps-objets, corps obscènes
- L’œil du criminel
La matière « affective » du dégoût
- Viralité de l’abjection
- Textes « incestés »
- Corps intensifs, corps sans organes
VII - Logique de la sensation
Affecter le corps : vers une efficacité physique de la nouvelle
- La littérature comme « bloc d’affects et de percepts » : s’adresser au corps
- Voix désaffectées
- Le figural
Figures d’une écriture mortifère
- Rituels d’une écriture au scalpel
- « Et le Verbe s’est fait chair »
Conclusion : Une dimension éthique ?
Bibliographie
Index
Remerciements